Origines de la fête

 

Chavouot ou Shavouot est une fête religieuse juive célébrée le 6 (et le 7 pour les Juifs vivant en dehors de la Terre d'Israël) du mois juif de Sivan (Avril/Mai/Juin).

Avec Souccot et Pessa'h, Chavouot est l'une des Trois Fêtes de pèlerinage marquant l'année juive. Chavouot est également le terme d'un jubilé, à la fin du décompte des 49 jours du Omer à partir du second soir de Pessa'h.

 

 

Dénominations et signification de la fête

 

Le nom de la fête de Chavouot vient de l'hébreu qui signifie semaines, car elle a lieu sept semaines après Pessa'h. Elle est ainsi souvent connue sous le nom de "fête des semaines" ou encore de « pentecôte » juive. En effet, le terme de racine grecque, "pentecôte", correspond aux 50 jours de Pessa'h à Chavouot.

 

Les trois fêtes de Pessa'h, Chavouot et Souccot sont appelées Atseret (assemblée solennelle) car elles étaient historiquement les trois occasions annuelles de pèlerinages au Temple de Jérusalem à l'époque de son existence. Pessa'h étant symboliquement la "fête des semences", Chavouot est appelée "fête des prémices", car les premiers fruits de la récolte étaient alors offerts au Temple à cette date.

 

Ces dénominations sont issues du texte de la Bible hébraïque :

 

le nom de Hag ha-Katsir (fête de la récolte) provient du livre de l'Exode xxiii. 16 ;

le nom de Hag Chavouot (fête des semaines) apparaît dans les livres de l'Exode xxxiv. 22 et du Deutéronome xvi. 10 ;

le nom de Yom ha-Bikkourim (fête des prémices) est mentionné dans le livre des Nombres xxviii. 26.

La principale signification de la fête reste la célébration du don de la Torah au peuple d'Israël, choisi parmi les peuples pour la recevoir, selon la tradition.

 

Relation à l'agriculture

 

Dans l'Ancien Israël, la récolte du nouveau grain durait sept semaines et était une période joyeuse (Jer. 5:24; Deut. 16:9; Is. 9:3).

Elle commençait avec la récolte de l'orge au cours de la Pâque et terminait avec celle du froment à Chavouot. Cette fête avait donc le statut d'un festival de fermeture de la récolte du grain, tout comme le huitième jour de Souccot (Fête des Cabanes) clôt celle des fruits.

Selon Ex. 34:18-26, Chavouot est le second des trois festivals à célébrer au sanctuaire. Les Israélites sont tenus d'y apporter les prémices de la récolte du froment, les "prémices de ton labeur que tu as cultivé dans ton champ"." Il ne s'agit pas d'offrandes prescrites pour la communauté, "mais avec un tribut d'une offrande de ta main en toute liberté... tu réjouiras le Seigneur ton Dieu, toi et ton fils, et ta fille,[...] le Lévite qui réside dans tes portes, l'étranger, l'orphelin et la veuve" (d'après Deut. 16:9-12).

Dans Lev. 23:15-22, il est également fait mention d'une offrande des premiers fruits que toute la communauté doit apporter. Divers sacrifices animaux sont réalisés, ainsi que l'offrande de deux miches de pain provenant de la nouvelle récolte. Le travail est interdit.

 

 

Chavouout dans la littérature rabbinique

 

La fête de Chavouot apprait sous ce nom dans Chemot 34/22 : "et tu feras la fête de Chavouot; prémices de la moisson des blés" et sous le nom de - fêtes des prémices - Hag Hakatsir dans Chemot 23/16 ou encore dans Bamidbar 28/26 sous l'appellation de "Ouvyom Habikourim" - le jour des prémices.

A aucun moment, la Torah n'y fait une allusion en tant que jour de Mattane Torah, de jour de la Révélation...

 

Le festival est connu dans la Mishna et le Talmud comme Atseret, terme désignant habituellement une "assemblée solennelle", désignant la congrégation lors des festivals de pélerinage. Ce terme se rapporte donc égalemnt à Pessa'h (Deut. 16:8) et à Souccot (Lev. 23:36). C'est dans la littérature post-talmudique, notamment guéonique, qu'il est désigné par son nom biblique de Chavouot.

 

Chavouot tombe le 6 Sivan, et jamais un mardi, un jeudi ou un samedi. En Diaspora, il est fêté deux jours.

 

"Le lendemain du Sabbath"

Une querelle opposa les Pharisiens aux Sadducéens et à la secte apparentée des Boethusiens au sujet du commandement biblique d'offrir le 'omer "au matin suivant le chabbat" (ib., verset 11). Pour les Pharisiens, il s'agissait simplement d'un jour de repos, et désignait donc Pessa'h, mais pour les Sadducéens, le Shabbat était le jour du shabbat, le septième jour de la semaine juive (correspondant au samedi) C'est pourquoi ils commençaient le décompte du Omer non pas le lendemain de Pessa'h, mais le lendemain du premier shabbat de Pessa'h, et Chavouot tombait toujours un dimanche. L'argument des Boethusiens était que "Moïse, en tant qu'ami des Israélites, voulut leur donner un jour saint étendu, en annexant la Pentecôte au Chabbat." Rabban Yohanan ben Zakkaï se tourna alors vers ses élèves, et expliqua que la Loi avait volontairement fixé un intervalle de 50 jours afin d'expliquer que les sept semaines ne commencent pas nécessairement à partir de dimanche.(Mena'hot 65a-b).

Le Karaïsme continue à suivre le rite boethusien de nos jours (cf le site karaite korner).

 

 

Rav Adin EVEN-ISRAEL STEINSATLZ - Chavouot, un sens à la liberté

 

Dans le déroulement du calendrier hébraïque, Chavouot apparaît comme la fête qui complète et clôture Pessa’h. Pessa’h, la fête de la liberté, atteint son apogée et prend tout son sens lorsque survient Chavouôt, la fête du don de la Torah. Chavouôt, quant à elle, concrétise l’espoir né de la liberté fraîchement acquise à Pessa’h.

 

Quelle est donc la quintessence de la Torah ?

Force est de constater que la signification toute particulière de la Torah perd de son évidence dès lors que l'on a recours à des analogies inexactes pour la définir. Par exemple, quiconque cherche à limiter la Torah à un livre de lois religieuses altère la conception du judaïsme ; l’essence même de la Torah est alors occultée. La langue hébraïque moderne ne fait qu’aggraver la situation puisque le terme Torah est utilisé dans des contextes aussi inattendus que la théorie de la relativité d’Einstein ou la cuisine : ne parle-t-on pas en hébreu de la “Torah de la relativité” pour en désigner les lois ou encore de “Torat habichoul” à propos des règles de l’art culinaire ?

La Torah se trouve ainsi amputée de l’une de ses caractéristiques fondamentales: celle de constituer une entité spécifique qui se suffit à sa propre définition. Le terme Torah ne devrait donc être utilisé dans aucun autre contexte que celui de la Torah elle-même. Les religions présentent en général un cadre d’idées et de pratiques ayant pour but de régler une partie de l’existence, celle qui a trait au service de Dieu.

Le judaïsme, tel que la Torah le reflète, ne peut, quant à lui, être confiné dans un cadre aussi partiel. La quintessence du judaïsme réside précisément dans sa conception d’ensemble de la vie. Un ensemble qui, bien à sa manière, englobe tous les détails de la vie du peuple juif. C’est pourquoi la Torah recèle en son sein davantage que des aspects rituels qui concernent les relations entre l’homme et D-ieu, ou que des lois sociales qui régissent les rapports entre l’homme et son prochain: c’est aussi un livre d’Histoire, de poésies, de morale ou de prophéties, où les directives les plus solidement arrêtées peuvent côtoyer des hésitations, voire des interrogations. En outre, toutes ces composantes ne représentent pas des éléments singuliers qui viendraient s’associer les uns aux autres, mais elles se conjuguent pour ne former qu'une seule entité.

Nul besoin de parcourir toute la Torah afin de percevoir une telle caractéristique.

Les Dix Commandements constituent ainsi un bon exemple (1). de la variété des nombreux éléments qui composent la Torah. A cet égard, la structure de la Torah rappelle celle de la vie ellemême: impossible de la diviser en pans bien distincts les uns des autres. Tout comme l’être humain, la Torah ne peut être fragmentée. Certes, lorsqu’il en est besoin, nous pouvons être conduits à créer des séparations artificielles au sein de notre propre existence.

De telles fragmentations sont néanmoins toujours techniques et contrenature. En vérité, chacune des parties de notre existence se nourrit des autres, de près ou de loin. C’est ainsi que la Parasha de Kédochim (2) passe sans transition ni séparation aucunes, du commandement de respecter ses parents aux lois régisssant les sacrifices, de l’injonction de donner aux pauvres à celle “d’aimer son prochain comme soi-même”, ou encore de l’interdiction de vengeance et de rancune à celle de porter des vêtements qui présenteraient un mélange de lin et de laine (chaatnetz). C’est que la Torah se veut un guide et une fondation conduisant la vie du peuple dans son ensemble. Ce sont bien les deux réunis, la Torah et le peuple juif, qui constituent la quintessence du judaïsme. Ceux qui veulent à tout prix faire entrer la Torah dans le cadre d’une religion – qu’ils la renient ou qu’ils la respectent – en détruisent l’essence pour la transformer en quelque chose de complètement différent. Ils en font une religion parmi tant d’autres. Une telle conception “emprisonne” la Torah au sein d’un domaine bien délimité; pis encore, c’est comme si on la dévitalisait complètement.

 

Lorsqu’un juif se définit comme “religieux”, c’est comme s’il déniait à la Torah ce qu’elle est et ce qu’elle exige de chacun: être juif, c'est construire sa vie selon un mode tout particulier, dans lequel tout est Torah. Ainsi le don de Torah suit-il précisément la sortie d’Egypte afin de parachever la formation du peuple et d’imprimer son modèle, sa personnalité dans tous les détails de son existence. Il s’agit donc bien de la conclusion du processus de libération initié à Pessa’h.

La liberté acquise n’était alors qu’une négation de l’état d’esclavage. Chavouot et le don de la Torah octroyèrent un sens à cette liberté, un contenu positif à l’existence du peuple juif. Nos Sages ont d’ailleurs exprimé cette idée par le biais d’un commentaire célèbre d’un verset de la Bible (3): “Et les tables [de la loi] étaient l’ouvrage de D-ieu et ces caractères, gravés sur les tables, étaient des caractères divins.” Or le terme “gravé” qui se dit, en hébreu, ‘harout peut se lire également ‘hérout, la liberté.

Et le Talmud (4) d’affirmer: “Ne lis point ‘harout mais plutôt ‘hérout, car n’est vraiment libre que celui qui se consacre à la Torah.” La promulgation de la Torah sur le mont Sinaï il y a plus de trois mille trois cents ans, représente un événement unique dans l’Histoire. Avant tout, il s’agit là d’un acte par lequel D-ieu “descend” des hauteurs célestes vers le monde ici-bas. Jusqu’alors, l’abîme infini entre l’homme et D-ieu paraissait infranchissable. Cependant, si le don de la Torah présente ce caractère d’événement historique singulier dans lequel le Divin joue un rôle décisif, l’acceptation de la Torah constitue en revanche un processus de longue durée dans lequel l’homme détient une place centrale. Recevoir la Torah ne consiste pas à en écouter le message de manière passive. Il s’agit d’un engagement personnel à vivre pleinement selon ses principes et à en respecter les commandements chaque jour de notre vie. D’un côté, pour que la Torah puisse nous être donnée, il nous faut faire preuve de la même disposition d’esprit que les Hébreux sur le mont Sinaï, lorqu'ils prononcèrent le fameux Naassé vénichma (5) .

 

De l’autre côté, la dimension intérieure d’une telle disposition peut se révéler bien plus tard, comme Moïse lui-même l’affirme, quarante ans après, avant de se séparer de son peuple (6):

“Et jusqu’à ce jour, D-ieu ne vous a pas encore donné un coeur pour sentir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.” L’un des grands maîtres ‘hassidiques, le Rabbi de Kotzk, avait l’habitude de rappeler: “La fête de Chavouot célèbre ce jour où la Torah fut donnée au peuple d’Israël. Cependant, chaque juif reçoit ensuite la Torah selon sa propre manière et selon son propre rythme.” Cette idée selon laquelle l’acte de recevoir la Torah ne se confond pas, dans le temps, avec le don de la Torah n’a rien d’une métaphore. Il s’agit d’un thème que l’on trouve développé tout au long de la Bible. Ne conte-t-elle pas les conflits, les ascensions, les chutes, les erreurs et les réconciliations qui alimentent le long processus d’acceptation de la Torah ?

 

Ainsi, la Torah, qui, un jour, fut donnée sur le mont Sinaï, continue d’être reçue par Israël, de manière personnelle, collective et nationale. Cette acceptation ne constitue pas un événement moins important, car elle donne à la Torah son caractère de Torat ‘haïm, de Torah de vie.

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