55 ans plus tard, bourreau et bourreau du bourreau sont morts. Leur souvenir est bien vivant. Est-ce si difficile à comprendre qu’Israël ait décidé de terrasser l’un des pires bourreaux que l’histoire juive ait connus ? Est-ce si difficile à comprendre qu’Israël ait décidé de montrer à la face du monde celui qui avait réussi à se cacher si longtemps pour échapper au procès pour crimes de guerre du tribunal de Nuremberg, celui qui avait fini par être capturé par le Mossad et amené en Israël afin de passer en jugement pour génocide.

Est-ce si difficile à comprendre qu’Israël ait décidé d’en finir avec Eichmann, le monstre, symbole de l’extermination des juifs, celui qui conçut et supervisa la « Solution Finale » voulue par Hitler, ce responsable-coupable, plus que tout autre, de l’assassinat systématique de 6 millions de juifs pendant la Shoah ?

Le procès qui redonnait publiquement à entendre toutes les horreurs commises par les nazis sur les juifs, suscita un torrent de réactions émotionnelles tant en Israël que dans le monde entier. Des tonnes de souvenirs réprimés depuis trop longtemps se mirent à jaillir de toutes parts dans une salle d’audience bondée. Les gens hurlaient, pleuraient et voulaient attaquer Eichmann qui assistait au procès installé dans un box de verre pare-balles.

Difficile ou pas, le 13 Décembre 1961, il fut condamné à mort par pendaison après que la Cour Suprême eut rejeté sa grâce. Et c’est ainsi que la symbolique de l’assassin et l’assassin lui-même furent pendus le 31 mai 1962.

Mais qui fut le bourreau du bourreau ?

Après des années passées dans un silence retentissant de non-dits, nombre d’israéliens finirent par vouloir connaitre alors qu’il en était encore temps, de la bouche d’un témoin hors-pair, comment s’était passée cette exécution, la seule et unique qu’Israël ait jamais connue à ce jour…

Et de localiser Shalom Nagar, l’homme qui avait eu la responsabilité d’ouvrir la trappe de la potence sous les pieds d’Eichmann il y a 55 ans !

Et de le rencontrer enfin en 2006. Shalom Nagar était alors retraité de l’Administration Pénitentiaire, il vivait à Kiryat Arba et étudiait dans un « kollel » * du matin au soir, apprend-on d’une station de radio qui consacra une émission à ce sujet.

Et le « bourreau » du bourreau de raconter les évènements qui précédèrent ce jour très « spécial ».
« Je travaillais à cette époque comme gardien à l’Administration Pénitentiaire, après avoir terminé l’armée et servi dans la Police des Frontières.

Eichmann fut d’abord conduit à la prison de Yagur, près de Haïfa. Il fut ensuite transféré à la prison de Ramlé, où je travaillais, et y séjourna pendant les six derniers mois de sa vie.

Notre unité, connue sous le nom des « Gardiens d’Eichmann », se composait de 22 gardiens qui avaient été soigneusement sélectionnés pour s’assurer que nous n’étions pas animés par un désir de vengeance. Nous étions seulement 16 ans après la Shoah et de nombreux employés de prison avaient soit été eux-mêmes dans les camps, soit y avaient perdu leur famille. Ils furent systématiquement récusés. « L’appartement » d’Eichmann, ainsi que nous l’appelions, se trouvait dans une aile spéciale, au deuxième étage, et aucun gardien ashkénaze n’était autorisé à y monter.

Il se composait de cinq pièces, chacune donnant sur la suivante.

Pendant six mois, je fus chargé de surveiller sa cellule, qui se trouvait dans la pièce la plus centrale, me trouvant ainsi au plus près de l’endroit où il dormait, écrivait ses mémoires, mangeait ou procédait à ses ablutions. Il était extrêmement propre, et se lavait les mains de manière obsessionnelle. Une des raisons pour lesquelles nous devions le surveiller de près était qu’il aurait pu vouloir se suicider, ce que nous devions éviter à tout prix. Dans la pièce voisine de la mienne il y avait une autre pièce dans laquelle se trouvait un gardien chargé de nous surveiller, Eichmann et moi. Dans la pièce suivante se trouvait le policier de service qui devait tous nous surveiller. Et dans la dernière pièce, nous nous reposions entre les gardes.

On nous apportait la nourriture dans des récipients scellés pour éviter toute tentative d’empoisonnement. Mais je devais tout de même goûter son repas avant de le lui donner. Si je n’étais pas mort dans les deux minutes qui suivaient, le policier de service nous autorisait à passer le plat dans sa cellule ».

Simultanément, un homme du nom de Pinchas Zeklikovski fut chargé par la police d’une mission spéciale. Zeklikovski, dont la famille avait été assassinée par les nazis, travaillait dans une usine spécialisée dans la fabrication des fours à Petah Tikva et était un expert dans ce domaine.

Il fut chargé de construire un four de la taille d’un homme qui pourrait supporter une température de 1800 degrés. Il construisit ce four à l’usine-même, répondant aux curieux qu’il s’agissait d’une commande spéciale destinée à une compagnie basée à Eilat qui souhaitait traiter des arêtes de poisson. Le 31 Mai dans l’après-midi, après que les ouvriers aient quitté l’usine, un camion militaire vint prendre livraison du four. Il fut amené sous bonne garde à la prison de Ramlé. En attendant que !

« Quant à moi, reprend Shalom Nagar, en ce 31 mai on vint me chercher pour me mener à la prison de Ramlé où Eichmann était déjà en conversation avec le prêtre. Puis vint le moment de passer à l’acte.

Lorsque j’arrivais sur les lieux, je constatais qu’Eichmann avait déjà la corde au cou et se tenait sur la trappe qui devait s’ouvrir sous ses pieds au moment où je tirerai une manette.

En principe, officiellement du moins, deux personnes auraient dû agir simultanément afin qu’ils ne sachent pas quelle était la main qui avait provoqué la mort d’Eichmann.

Mais il n’y avait là qu’Eichmann et moi, reprend Nagar. Je me tenais à un mètre de lui et le regardais attentivement : Il portait encore ses pantoufles à carreaux ordinaires.

Je finis par tirer la manette.

Il est tombé en se balançant au bout de la corde.

Lorsque je voulus le dépendre, son visage était livide, ses yeux exorbités et sa langue pendante.

Je vous passe les détails par trop sordides mais j’eus alors l’impression que l’Ange de la Mort était venu m’emporter moi aussi.

Finalement, d’autres gardiens arrivèrent, je n’étais plus seul face au Monstre et la Faucheuse.

Nous le portâmes de l’autre côté de la cour où le four était prêt.

Je le poussais à l’intérieur et nous fermâmes les portes….

Au petit matin, on sortit les cendres du four et un véhicule de police les achemina jusqu’au port de Jaffa.
Là, un bateau des garde-côtes transporta l’urne loin, bien loin, bien au-delà des eaux territoriales d’Israël afin que les restes de l’assassin ne puissent, jamais au grand jamais, souiller « Notre Terre Promise ».

* Un Kollel (ou Collel) est un centre avancé d’études de la Torah.

Source : HP / Coolamnews

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