Chers Amis et Chers Enfants Boker Tov,

Rien ne peut résister à la ...Providence qui de longues années peut vous rattraper avec un large sourire et quelques larmes de joie ...
Suivez moi plutôt et partagez autour de vous ...

Ya’acov, âgé de 94 ans, préside une table d’une surface impressionnante réunissant ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, de même que quelques personnes âgées de la maison de retraite voisine.
La joie est palpable en ce soir de Pessa’h.

Ces retrouvailles annuelles sont toujours chargées d’émotion mais aussi d’une certaine crainte : Ya’acov réfute, et c’est peu le dire, la tradition consistant au détournement de l’Afikomen par l’un des convives.

Cette coutume, qui fait la joie des enfants dans d’autres familles, est proscrite pour celle de Ya’acov. Tout le monde l’a compris et intégré.

La soirée est engagée, Ya’acov coupe la Matsah, et en enveloppe une moitié dans un tissu en soie qu’il dissimule auprès de lui, avec méfiance.
Puis il ferme ses yeux pour faire le récit de la sortie d’Egypte : il y décrit les pérégrinations et péripéties… L’assistance semble voyager dans le temps. Ya’acov marque un arrêt avec simultanément une expression du visage qui laisse deviner qu’il est sur le point de s’écrier : « Où est l’Afikomen ? »

Plus un bruit autour de la table, les parents regardant les enfants qui -eux- font mine de ne pas comprendre. Personne ne se dénonce et Ya’acov est à présent rouge de colère. Puis il se résout à prendre la parole :

«Vous ne me laissez pas d’autres alternatives que de tout vous raconter…
Parmi les habitants de ma petite ville natale, il y avait un garçon nommé David que tout le monde surnommait « David le voleur ». Il était agile de ses mains au point où l’on racontait qu’il était capable de fermer un tiroir tout en y introduisant la clé ».

Il avait pour habitude de faire des démonstrations spectaculaires où il dérobait des pièces dans nos poches sans que l’on s’en rende compte par exemple…

Un jour, la montre en or de l’un de nos enseignants avait disparu. On accusa aussitôt David du vol, il se retrouva sans école, sans famille, et sans amis.

Il passa désormais tout son temps dans les rues, ce qui conforta tout le monde dans l’idée que ce n’était qu’un voleur. Il fut à plusieurs reprises arrêté par la police. Tous les larcins lui étaient imputés.

Et alors survient l’année 1914 et avec elle la première guerre mondiale, c’est le chaos qui s’installe en Ukraine. Des nationalistes ukrainiens, des polonais, des bolchéviques s’en prennent aux juifs, les pogroms sont nombreux. Nous vivons dans la terreur. 100 000 juifs ont été tués dans des conditions terribles.

Et voilà qu’un soir de Pessa’h nous étions assis comme ce soir autour de la table, mais sans joie aucune.
Au contraire, nous étions prostrés, entendant au loin des bruits de guerre qui se rapprochaient. La porte fut défoncée. Mon père me projeta sous la table, j’entendis des cris, des tirs, mon père tomba.

Il me regarda avec bienveillance, péniblement il me remit l’Afikomen et eut le temps de susurrer :«N’oublie pas qui tu es, conserve le, pour me le remettre plus tard…».

Les assassins, quittèrent la maison y laissant la mort et la désolation. Sans regarder autour de moi, de crainte de réaliser le désastre, je pris la fuite.
Le quartier fut déserté, quelques maisons brulaient encore. Tenant sous mon bras droit l’Afikomen, je fus secouru. C’était « David le voleur » :
« Viens, cachons nous avant qu’ils ne reviennent ! » lança-t-il.

J’hésitais car on me mit si souvent en garde contre lui… Mais je n’avais que 10 ans et je ne pus résister longtemps à la sécurité, même relative, qu’il m’offrit.

Un périple de plusieurs mois au travers de la campagne ukrainienne commença.

David réussissait toujours à nous trouver quelques victuailles dans les fermes les plus reculées. Mais arriva un moment où nous n’avions plus rien à manger.

Quand David découvrit que je cachais un Afikomen, il fut saisi d’une crise d’hystérie :

-« Tu voulais manger seul, alors que je te nourris depuis des mois !? Tu sais bien que je peux m’en accaparer sans même que tu t’en aperçoives. »

Il se calma vite quand je pris la peine de lui expliquer le pourquoi de la chose… Peu à peu, je vis en David un ami indéfectible, un protecteur patenté…

Trois ans passèrent et, comme d’autres, nous comprîmes que la guerre allait enfin toucher à sa fin.

Quelques jours avant que les hostilités ne cessent, nous fûmes pris entre deux feux, des échanges de tirs entre deux groupuscules dont nous ignorions l’identité.

Nous courûmes, je tombai mais David rebroussa chemin pour m’aider à me relever quand une balle l’atteignit. Je le suppliais de ne pas renoncer alors que lui m’implora de partir et surtout de ne pas perdre l’Afikomen.

Il perdit connaissance, ne réagit plus à mes appels. Mes yeux s’emplirent de larmes… Si proche de la délivrance, de la fin de la guerre, il n’était plus. ».

Grand-père Ya’acov ne peut retenir ses larmes… Il marque une pause avant de poursuivre :

«Avant de rendre son dernier souffle, David m’a confié qu’il n’avait, mais alors jamais, volé… La montre en or de notre maître avait été retrouvée, mais personne ne lui avait rendu justice.
Il était agile de ses mains certes, mais ses tours étaient des tours de magie qui visaient à épater ses camarades. Il n’a jamais pu se justifier, la pression étant toujours maintenue.
Puis… Personne n’avait vraiment envie de l’écouter ».

Grand-père Ya’acov soupire…

-«Cet Afikomen que je garde jalousement chaque année est celui de mon père, alors vous comprenez pourquoi j’y tiens tellement, pourquoi je veux que personne ne s’en saisisse ? »

Les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de Yaacov le regardent avec affection et respect quand la voix de l’un des invités s’élève :
-« Es-tu sûr d’avoir perdu ton Afikomen ? Vérifie ! ».

La voix est presque familière. Grand-père Ya’acov plonge sa main dans son fauteuil et brandit l’Afikomen enveloppé dans un vieux tissu.

-« Mais qui êtes-vous ? » lance-t-il ?

La réponse fuse :
-« C’est David… le voleur… ou prétendu voleur. La suite et la fin de l’histoire tu ne la connais pas… Tu es parti, j’ai repris mes esprits et j’ai pu me sauver. Tout comme toi je suis installé en Israël depuis longue date, et depuis peu je suis résident dans la maison de retraite voisine de ton domicile ! ».

Je vous laisse imaginer la suite : les retrouvailles, les larmes, les rires…
Grand-père Ya’acov répète souvent :

« Ne jugez pas les gens, et surtout ne les condamnez pas !».

Hasard ou Providence ?
Je vous le demande…
Courage,Chabbat Chalom et de Bonnes nouvelles bh
GZ

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