Le Rav Ouri Zohar, l’une des grandes figures du monde de la Téchouva, a participé à une journée pédagogique organisée par l’école Ménorat Haméor à Péta’h Tikva. Le Rav s’est entre autres penché sur l’attitude prônée envers les enfants qui ont quitté la religion. « Tu n’es pas l’officier de la religion à la maison. Tu es son père, aime-le », tel est le mot d’ordre du Rav Zohar.
« Il rentre à 4 heures du matin après avoir traîné dans la rue ? Laissez-lui 2 biscuits et écrivez : "Maman t’aime" », recommande le Rav.
« Il faut rappeler à nos enfants que le Saint béni soit-Il les aime, indique le Rav Zohar. Le jeune est persuadé que "si tout le monde dit que je ne me conduis pas bien, c’est le signe que le Saint béni soit-Il me déteste." Mais le discours du Saint béni soit-Il est tout autre. Un verset de Michlé dit : "Le pervers accepte des présents en secret." Rachi explique que le Saint béni soit-Il accepte d’être corrompu, c’est-à-dire d’accepter les propos persuasifs et les demandes de consolation des pervers, même si ces derniers ont été qualifiés de pervers dans le verset, car le Saint béni soit-Il transforme un mauvais décret en bon. »
« Dites à votre fils et votre fille : "Parlez à Hachem… pas de religion, ne fais pas la ‘Amida, mais du plus profond de ton âme, parle avec D.ieu", déclare le Rav avec feu. C’est un niveau exceptionnel de parler avec D.ieu depuis ce lieu profond. Le Saint béni soit-Il peut transformer un mauvais décret en bon. »
« A part ça, ne leur dites rien. Ne parlez même pas d’éthique. Aimez-les et accueillez-les avec un visage bienveillant et avec respect. C’est très difficile, souligne-t-il, je le sais, c’est le Tikoun (réparation) de notre génération. »
Le Rav Ouri Zohar a mentionné les propos du Roch Yéchiva de Poniovitz, Rav Guerchon Edelstein, à qui on a posé la question suivante : « Devons-nous accueillir notre fils qui rentre à la maison avec une jeune fille ? C’est une question de "ne pas placer d’embûches sur le chemin d’un aveugle", car d’autres enfants vivent à la maison. » Le Rav Zohar lit passionnément la réponse du grand de la génération : « C’est une question de "ne pas placer d’embûches sur le chemin d’un aveugle" si vous ne les accueillez pas. C’est un exemple extrême, je ne dis pas qu’il faut les accepter dans toutes les conditions. Parfois, c’est vraiment impossible, il faut trouver un autre lieu de rencontre. Mais tout doit être fait dans le respect et l’amour. »
« Des parents me disent : "Comment le pourrais-je ? Il transgresse le Chabbath", affirme le Rav, peiné. Mes chers amis, si de grands Sages en Torah ne nous l’avaient pas dit, je ne me serais pas permis de le dire. »
« Je comprends les parents, il est dans sa chambre le Chabbath et profane le Chabbath. Il faut comprendre que l’enfant agit ainsi involontairement, il ne ressent pas de sentiment d’appartenance. Il nous veut nous. L’enfant a besoin de son père et de sa mère. Il le sait, mais il ne peut leur faire passer ce message, et il est constamment sur la défensive. Toute sa réaction se résume à la défense, pour protéger ce "moi" qui commence seulement à se former. Si nous l’acceptons et le respectons, il sera à l’aise à la maison et ne fuira pas. »
Le Rav poursuit et parle de tout. Qu’en est-il de l’éducation des autres enfants ? Réponse tranchante : « Après avoir accepté cet enfant, il se calme, et les autres enfants, lorsqu’ils voient qu’il n’y a pas de confrontation, ne se sentent pas obligés de prendre position. »
« Lorsqu’il y a un conflit, ils suivent leur frère, car les parents représentent l’autorité et le frère est un ami, mais s’il n’y a pas de conflit, les enfants peuvent demander : "Pourquoi tu lui permets ça ?" et les parents répondent : "Quand tu seras grand, tu comprendras que chacun choisit sa voie." »
Et le Rav Ouri Zohar de poursuivre : « Je connais un Juif qui jusqu’à l’âge de quarante ans, non seulement ne voulait pas être orthodoxe, mais voulait mordre tous les Talmidé ‘Hakhamim. Ce Juif s’appelait Rabbi Akiva, toute la Torah que nous possédons nous vient de lui. Alors chacun fait son chemin, et je le constate chez mes petits-enfants et arrière-petits-enfants : ils comprennent que chacun a son chemin. Si un autre enfant a le même problème, ce n’est pas du tout qu’il imite son frère. »
Le Rav Ouri Zohar s’intéresse à cette question : « Comment les accueillir ? Comment aurais-tu réagi si au milieu de ton repas du Chabbath, arrivait un Juif laïc portant une boucle d’oreille ? C’est vrai que c’est difficile, je suis d’accord avec toi, j’ai fait toutes les erreurs possibles. C’est une terrible difficulté. Tu es complètement déchiré, mais si tu comprends l’essentiel, tu ne dis pas à un enfant écrasé sur la route que "c’est très sain de faire de la gymnastique"…, il n’a pas la possibilité de se relever.
Tu lui dis : "Tu es mon fils et je suis ton père pour toujours." Regardez, le Saint béni soit-Il m’a attendu 40 ans [une allusion à son processus de Téchouva qu’il a commencé à 40 ans]. Pareil pour Rabbi Akiva. Le Saint béni soit-Il aurait pu m’envoyer le Rav Zilberman plus tôt, mais je ne l’aurais pas accepté lorsque j’étais plus jeune. Je ne l’aurais pas écouté. Laissez-lui le temps. Vous n’avez pas le choix », dit-il aux parents sur un ton implorant.
Le Rav parle de son fils Ittamar, le seul de ses enfants qui a quitté le judaïsme orthodoxe. « J’ai demandé pardon à mon fils la veille de Pessa’h, relate-t-il. Je me souviens de nos conversations dans la voiture à côté d’un feu rouge à Jérusalem, je lui avais dit : "Sache que moi aussi j’échoue, je ne résiste pas, j’ai moi aussi des écorces, mais sache que je veux t’accepter." Et regardez aujourd’hui - comme j’aimerais prier comme lui… ! », dit-il avec franchise.
« Lorsqu’un enfant arrive à la maison le Chabbath avec un téléphone en main, c’est une forme de protestation, prétend le Rav Zohar. Il manifeste : "Vous n’allez pas me dire quoi faire !" Mais si à la maison règne une atmosphère d’amour, il comprendra lui-même que son attitude n’est pas adaptée. Cette situation où il lui importe de te faire de la peine, c’est un système relationnel où il te voit l’observer avant tout en fonction de son niveau de religiosité, car nous sommes tous soumis au respect des Mitsvot, et, aux yeux de l’enfant, automatiquement, ce qui le représente, c’est sa manière de se conduire. Jusqu’à ce qu’il ne brise pas ce schéma et qu’il constate qu’il a un père et une mère qui font abstraction de ces règles, il ne renoncera pas. C’est une guerre qui peut se dégrader ou se poursuivre. Elle ne parviendra à rien de bon. Tout change en un clin d’œil si on saisit ce message; ce n’est pas qu’il va devenir pratiquant, mais quelque chose dans vos relations changera. »
« Changez de cap », insiste le Rav Zohar à l’attention des parents qui sont confrontés à un enfant qui a quitté la religion. « Oubliez l’idée que je suis un officier de la religion à la maison, et que je suis officier de la religion face à lui. Dès l’instant où ce conflit entre moi et sa religion sera éliminé, il se sentira libre de collaborer avec toi, car il est aussi en détresse, mais pas dans celle que tu imagines. Il veut se sentir serein avec son judaïsme. Il ne cherche pas à te faire de peine. »
Il conseille « que l’enfant ressente qu’aucun écran n’existe entre vous et lui, qu’il n’y a aucune règle ni aucun cadre religieux qui fasse obstacle entre vous et lui. Il sera alors important pour lui de vous protéger et non de vous faire de la peine. »
Ittamar, le fils du Rav, intervient dans la conversation. « J’ai dit à un homme qui m’est très proche, qui a un tel enfant : "Tu es capable de regarder cet enfant et le voir debout dans la cuisine, à quel point il est beau et tendre à l’intérieur, et de lui dire : « Tu ne sais pas combien je t’aime ? »." Il n’en était pas capable et je sais qu’il n’en est pas capable, car ce n’est pas sa nature. Je ne l’accuse pas, il est lui-même enchaîné. C’est un processus entre vous et vous-même. Cela dépend uniquement de vous. Je peux dire que c’est entre vos mains. Ce système de relations peut virer à 180 degrés. »
A la question des parents, « quelle est la ligne rouge à ne pas franchir ? », le Rav Zohar répond avec fougue : « Il n’y a pas de ligne rouge. Même s’il montre aux autres enfants des choses inconvenantes, c’est parce qu’il est constamment en guerre et recrute son environnement pour prendre son parti. Ouvrez-lui une brèche. »
Le Rav poursuit en expliquant qu’il parle généralement uniquement aux parents, mais un jour, à Lakewood, on l’a « forcé » à parler avec les enfants. « J’ai dit aux enfants en deux minutes : le Saint béni soit-Il n’est pas orthodoxe, Il n’a ni veste, ni chapeau. C’est authentique, Il n’est pas Machguia’h de Yéchiva. Il vous aime, adressez-vous à Lui », déclare le Rav en bouleversant tous les participants.
« Nos petites-filles sont mariées avec de tels jeunes hommes, par exemple l’un d’eux est un jeune homme originaire d’un foyer orthodoxe de qualité, un garçon plus doux que le miel qui a sombré. Je lui ai demandé, après qu’il a fréquenté une Yéchiva pour les élèves en difficulté et dormait toute la journée, quelle était la différence ? Il me répondit : "A la Yéchiva, si je ne mettais pas les Téfilines jusqu’à 10 minutes avant le coucher du soleil, on me faisait la remarque : « Mécréant, pourquoi n’as-tu pas mis les Téfilines ? » Dans la nouvelle Yéchiva, on me disait : « Tsadik, c’est important pour toi de mettre les Téfilines avant le coucher du soleil. » C’est là toute la différence." Et ce jeune homme étudie avec moi chaque jour, bien qu’il ne porte pas encore une tenue orthodoxe. »